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La cryogénie spatiale

Les instruments de détection à bord d’Herschel ne peuvent fournir la sensibilité désirée pour les observations que lorsqu’ils sont refroidis à des températures cryogéniques : pour les bolomètres de la caméra PACS, une température de 0,3° au-dessus du zéro absolu (-273,15°C ou 0 Kelvin, unité K) est nécessaire. Les systèmes cryogéniques sur les observatoires spatiaux doivent fonctionner sans panne sur des durées typiquement de 5 ans à 10 ans ce qui conduit à concevoir des systèmes comportant des pièces mobiles sans frottement ou même idéalement aucune pièce en mouvement.

Quelques degrés au dessus du zéro absolu

Un des moyens les plus simples pour obtenir des températures cryogéniques dans l’espace est d’utiliser les ressources naturelles disponibles, en particulier le « fond » froid du ciel et un vide quasi parfait. En effet, l’absence de matière (gaz) limite les échanges de chaleur aux seuls transferts radiatifs : en se positionnant face au fond noir du ciel qui rayonne à environ 2,7 K (0 K=-273,15°C), nous pouvons en théorie refroidir une surface à des températures de quelques Kelvins. En pratique cette méthode n’est efficace que pour des orbites particulières et les meilleurs systèmes, appelés radiateurs passifs, ne permettent pas d’atteindre des températures inférieures à 30-40 K. Une autre solution possible est d’utiliser un liquide cryogénique, préalablement liquéfié sur terre et stocké dans un réservoir appelé cryostat, et de profiter du vide intersidéral pour obtenir un refroidissement par évaporation. Les ingénieurs peuvent ainsi parvenir à des températures de l’ordre de 1,5 K en utilisant de l’hélium. Pour des températures inférieures, il est nécessaire de développer des solutions technologiques. Par ailleurs une tendance forte dans la cryogénie spatiale est la suppression des cryostats au profit de machines mécaniques appelées cryoréfrigérateurs. En effet bien que l’utilisation de réservoirs soit une technique simple qui offre de multiples avantages, elle présente deux inconvénients majeurs : une masse et un volume important, et par essence une durée de mission limitée (assèchement du réservoir). Les cryoréfrigérateurs quant à eux n’utilisent pas de consommables et sous réserve qu’ils soient suffisamment fiables peuvent fonctionner quasi indéfiniment tant que l’on dispose d’une source électrique. Cette source peut être obtenue en utilisant une autre ressource de l’espace: l’énergie photovoltaïque, disponible pour la quasi totalité des missions spatiales.

Empilement typique des éléments constituant un bolomètre composite pour l’astronomie infrarouge et submillimétrique.

Cryoréfrigérateur pour PACS.
Crédits : CEA

Les cryoréfrigérateurs

Le Service des Basses températures du CEA et plus particulièrement le laboratoire « cryoréfrigérateurs et cryogénie spatiale » travaille depuis de nombreuses années à développer des systèmes de refroidissement adaptés aux contraintes spatiales. Pour des températures extrêmement froides plusieurs cryoréfrigérateurs doivent être associés en cascade pour couvrir l’intégralité de la gamme de température. Aujourd’hui des chaines cryogéniques permettant d’atteindre des températures de l’ordre de 20 mK (-273.13°C) sont disponibles. Pour des systèmes subkelvin, c’est à dire capable de refroidir un composant à des températures inférieures à 1 K (-272.15°C), et pour une application dans l’espace, seules trois technologies émergent: le refroidissement par évaporation utilisant un isotope de l’hélium (l’hélium 3), le refroidissement magnétique (désaimantation adiabatique) et la dilution (propriété de la séparation de phase des 2 isotopes de l’hélium). Ces trois techniques sont développées au sein du SBT, en particulier la première pour laquelle l’équipe a acquis une réputation mondiale. En effet deux des trois instruments du satellite Herschel, SPIRE et PACS, utilisent des cryoréfrigérateurs de ce type développés au SBT.

Les principes de fonctionnement

Leur principe peut être décrit simplement. Le refroidissement par évaporation est le même mécanisme physique qui est mis en jeu dans la transpiration : le passage de l’eau de l’état liquide à l’état vapeur requiert de l’énergie ; en l’absence de source extérieure cette énergie est prise directement sur l’agitation thermique des atomes et par conséquent ce processus induit un refroidissement. Dans le cas de la transpiration elle permet ainsi de réguler la température corporelle. Cette propriété s’étend à quasiment tous les fluides et utilisée avec de l’hélium (hélium 3) elle permet d’atteindre des températures de l’ordre de -272.85°C (300 mK). L’hélium 3 seul ne permet pas de couvrir l’intégralité de la gamme depuis la température ambiante, il est associé dans le cas d’Herschel à un énorme réservoir d’hélium 4 (≈ 2500 l) qui fournit une température d’environ 2K. Il est important de noter que aux basses températures les gains ne doivent pas être appréciés en terme de différence mais plutôt de rapport. En l’occurrence refroidir de 2 K à 300 mK (rapport 7) est quasiment aussi difficile que de refroidir de l’ambiante (293 K) à -230°C (42 K). Pour améliorer son efficacité, le taux d’évaporation est augmenté par pompage, et pour éviter toute pièce mobile et gagner en fiabilité, ce pompage est réalisé en utilisant les propriétés d’adsorption des charbons actifs. Ce matériau offre en effet une surface développée importante (≈ 1200 m2/gr), qui lorsqu’elle est refroidie piège les molécules de gaz et inversement les "relache" lorsqu’elle est chauffée (phénomène d’adsorption physique lié aux forces de Van der Walls). Les températures d’adsorption et de désorption dépendent de la nature du gaz. Dans le cas de l’hélium, en cyclant thermiquement du charbon actif entre ≈ -230°C (45 K) et -270°C (3K), on peut générer les pressions nécessaires à la condensation du liquide et ensuite à son pompage afin d’abaisser la pression et donc la température. Ce processus entièrement statique est très efficace en terme d’amplitude de pression, et n’a pas d’équivalent mécanique puisque dans le cas présent il permet de couvrir 6 ordres de grandeur (106).

Empilement typique des éléments constituant un bolomètre composite pour l’astronomie infrarouge et submillimétrique.

Plan 3D d’un cryoréfrigérateur.
Crédits : CEA

Les contraintes spatiales

La question de la gestion du liquide en microgravité (apesanteur) est réglée en utilisant un confinement capillaire au sein d’un matériau poreux, une éponge en quelque sorte. Ce matériau, une mousse d’alumine, présente bien évidemment une porosité ouverte, c’est à dire que chaque petite cavité communique avec ses voisines et permet ainsi au liquide de se déplacer et surtout au gaz d’être pompé.
Par ailleurs le cycle thermodynamique utilisé impose de contrôler les gradients thermiques dans le système, c’est à dire de maîtriser la répartition des températures. Ici encore une technique sans pièce mobile est employée : les interrupteurs thermiques à gaz d’échange. Ces éléments que l’on retrouve dans un grand nombre de systèmes cryogéniques jouent un rôle similaire aux interrupteurs électriques. Ils permettent de mettre en contact thermique deux composants (écoulement de chaleur) ou bien inversement de les isoler l’un de l’autre. Entièrement statiques, le basculement entre la position fermée (ON) ou ouverte (OFF) repose sur la présence ou l’absence de gaz entre deux pièces concentriques. La gestion du gaz est assurée par une minipompe à adsorption exempte de toute pièce mobile.

Enfin l’isolation thermique nécessaire à l’obtention des très basses températures, et dans le même temps la tenue mécanique requise pour résister au décollage de Ariane 5, sont obtenues en utilisant des suspentes en Kevlar. Ce matériau présente en effet une très faible capacité à conduire la chaleur (faible conducitivité thermique) et une très forte résistance mécanique (deux fois la résistance d’un fil en acier de même diamètre).

La durée de vie

La durée de vie de ce type de cryoréfrigérateur n’est à priori pas limité dans le temps, une conséquence directe de l’absence de toute pièce mobile. Plusieurs systèmes fonctionnent en laboratoire depuis plus de 20 ans sans détérioration de performance. Bien qu’ils utilisent de l’hélium sous forme liquide durant la phase de fonctionnement à basse température, ces systèmes sont scellés et lorsque s’évapore la dernière goutte de liquide, ils peuvent être recyclés indéfiniment. Leur utilisation est en fait limitée par la disponibilité de l’étage supérieur. Dans le cas de HERSCHEL, le réservoir principal devrait s’assécher après 3 ans et demi de mission.
Plusieurs missions futures telles que SPICA et IXO nécessiteront des moyens de refroidissement à des températures encore plus basses (50 mK). Fort de notre savoir faire sur le 300 mK, une architecture originale associant un système type HERSCHEL avec un ou plusieurs étages de désaimantation adiabatiques (refroidissement magnétique) est en cours de développement. Cette combinaison permet un gain significatif sur la masse du cryoréfrigérateur et par conséquent un gain sur la "science" embarquée. Par ailleurs pour les deux missions citées, la chaine cryogénique sera constituée uniquement de cryoréfrigérateurs mécaniques afin d’augmenter la durée de mission et maximiser la masse "utile" embarquée.
Plusieurs défis technologiques devront être résolus, en particulier dans l’association avec la partie très basses températures.

Herschel interactif

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