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L’Univers lointain
et la formation stellaire

Le moteur de l’évolution des galaxies est la formation des étoiles. Herschel va nous permettre de mesurer sans ambiguïté la quantité d’étoiles qui se forment dans l’univers à chaque instant de son histoire, depuis il y a 10 milliards d’années jusqu’à nos jours. En mesurant comment la formation des étoiles évolue dans l’univers à chaque époque, on obtient un élément essentiel qui pourra nous amener à comprendre comment ont évolué les nuages de gaz primordiaux pour former les galaxies que l’on observe de nos jours dans toute leur diversité.


Histoire de l'évolution des galaxies [04'25]
David Elbaz, astrophysicien au CEA

La notion de distance et de "redshift"

Plutôt que d’années lumières, les astronomes préfèrent l’unité de parsec, qu’ils peuvent mesurer directement. Un parsec mesure 3,26 années lumière, et la galaxie d’Andromède se trouve à 780 000 parsecs ou 0,78 megaparec. Mais pour les distances véritablement énormes ou « cosmologiques », on utilise alors le terme de « redshift » en anglais ou « décalage vers le rouge ». De quoi s’agit il ? Comme notre univers est en expansion, on peut comparer sa taille caractéristique à une époque donnée à celle qu’il a aujourd’hui. Le rapport de ces deux tailles moins un est le redshift. Si un photon à été émis avec une longueur d’onde de 100 microns à un redshift de 1, il a donc été émis quand l’échelle caractéristique de l’univers était deux fois plus petite que de nos jours.

Illustration du redshift des galaxies (z). Crédit : CEA / Clefs Illustration du redshift des galaxies (z). Un redshift autour de 20 correspondrait à la naissance des premières étoiles de l’univers. Les premières galaxies apparaîtraient plus tard vers redshift égal 10. Herschel observera l’évolution de la formation stellaire dans les galaxies entre z=1 et z=5.
Crédit : CEA / Clefs

L’évolution de la formation stellaire

Au fil du temps, une galaxie va former des étoiles à partir du gaz et de poussière. Au sein de ces étoiles, les réactions de fusion vont former de nouveaux éléments à partir du gaz d’origine. Dans les étoiles plus massives, ce processus est rapide, quelques millions d’années pour une étoile pesant dix fois plus que le soleil. Après avoir transformé son hydrogène en hélium, elles vont en quelques milliers d’années brûler leur hélium en carbone et leur carbone en oxygène. Au cours de leur vie, elles vont éjecter une partie du gaz qui les constitue, et enrichir le milieu interstellaire en changeant sa composition au passage. Les plus massives mourront dans une explosion de supernova et rendront au milieu interstellaire tout le gaz qui les constitue, mais enrichi de ces éléments les plus lourds comme le fer. Ce cycle d’enrichissement se superpose à un phénomène de consommation du milieu interstellaire, puisque lors d’un épisode de formation d’étoiles, une vaste majorité d’entre elles vont vivre éternellement sous forme de naines blanches et ne jamais rendre le gaz qui les constitue au milieu interstellaire. On suppose ainsi qu’il existe une séquence évolutive entre les différents types de galaxies, les galaxies elliptiques, pauvres en milieu interstellaire et principalement composées de vieilles étoiles étant considérées comme des produits finaux de cette évolution. Les galaxies spirales sont considérées comme des galaxies intermédiaires, dont l’évolution se fait en fabriquant un bulbe de plus en plus important, et détruisant un jour leur disque. Le moteur de cette évolution des galaxies est la formation d’étoiles. En mesurant le taux de formation d’étoile qui se produit dans l’univers à chaque époque, on obtient un élément essentiel qui pourra nous amener à comprendre comment ont évolué les nuages de gaz primordiaux pour former les galaxies que l’on observe de nos jours dans toute leur diversité.

Les étoiles massives :
étalons de l’évolution des galaxies

Les astronomes essayent de compter les  étoiles qui se sont formées « récemment » au sein d’une galaxie. Par récemment, on entend au cours des quelques derniers millions d’années. On utilise pour cela les étoiles les plus massives et les plus jeunes, que les astronomes dénomment étoiles de type O et B. Ces étoiles ont deux avantages : tout d’abord, elles ont une durée de vie très courte, de l’ordre de quelques millions d’années, au terme de laquelle elles explosent en supernovae. Ainsi, lorsqu’on observe de telles étoiles, on est sûr qu’elles se sont formées au cours de la dernière centaine de millions d’années. On a vu que les étoiles suivent une démographie particulière dans notre galaxie et les galaxies voisines, c’est-à-dire qu’il se forme toujours les même proportions respectives d’étoiles de grandes et de petites masses. Si on suppose que cette propriété est la même dans les galaxies distantes, on peut déduire de la mesure de la quantité d’étoiles O et B dans une galaxie, la mesure du nombre total d’étoiles qui se sont formées durant la période correspondant à la durée de vie de ces étoiles. C’est ici qu’intervient le deuxième avantage de ces étoiles : c’est qu’elles sont extrêmement lumineuses et chaudes. Une étoile de type O5, qui est 60 fois plus massive que le soleil, est presque 1 million de fois plus lumineuse que lui. Du fait de leur température, elles rayonnent la plus grande partie de leur énergie dans l’ultraviolet Ainsi, pour connaître combien d’étoiles se forment dans une galaxie, il suffit de mesurer la brillance de cette galaxie dans l’ultraviolet, et de connaître sa distance. On en déduit immédiatement le nombre d’étoiles jeunes qu’elle contient, et par conséquent toute la masse d’étoiles qui sont nées récemment au sein de cette galaxie.

Hubble Deep Field, une image de l’Univers par le télescope spatial Hubble qui met en évidence la multitude de galaxies.  Crédit : NASA-Hubble Hubble Deep Field, une image de l’Univers par le télescope spatial Hubble qui met en évidence la multitude de galaxies.
Crédit : NASA-Hubble

Un problème :
la formation d’étoiles cachées par la poussière

Le principal problème de cette approche, c’est que les étoiles naissent dans des nuages de poussières qui forment un écran très efficace pour bloquer le rayonnement ultraviolet des étoiles jeunes. Les étoiles les plus massives détruisent les nuages de gaz dans lesquelles elles sont nées mais ce phénomène prend du temps, et il est parfois impossible de voir directement la lumière émise par les étoiles jeunes d’une galaxie. C’est le cas par exemple dans la galaxie des Antennes. Mais si les photons UV ne sont plus directement détectables, ils laissent tout de même une trace de leur existence : ils chauffent les cocons de poussière, qui rayonnent alors en infrarouge. C’est cette émission de la poussière qu’on observe, et qu’on peut retraduire en termes de formation d’étoiles. Au lieu de mesurer directement le nombre d’étoiles jeunes via leur émission dans l’ultraviolet, on va mesurer leur effet sur la poussière dans une galaxie. Cette mesure est moins précise, car la poussière peut être chauffée par des étoiles moins massives, donc plus vieilles, que les étoiles O et B. On est donc sensible à de la formation d’étoiles récente, mais aussi un peu moins récente. Mais l’avantage est qu’on n’oublie pas de comptabiliser la formation d’étoiles cachée par la poussière.

La galaxie des Antennes vues par le télescope spatial Hubble.  NASA – Hubble et Caltech Sharc II La même image mais dans l’infrarouge submillimétrique à 350 µm. NASA – Hubble et Caltech Sharc II
À GAUCHE - La galaxie des Antennes vues par le télescope spatial Hubble. De nouvelles étoiles se formeront peut-être dans les zones sombres.
À DROITE -La même image mais dans l’infrarouge submillimétrique à 350 µm.
La zone opaque dans le visible est brillante dans l’infrarouge submm. Les grains de poussière sont responsables de cette luminosité.
Crédit : NASA – Hubble et Caltech Sharc II

L’importance de la formation d’étoiles cachée

L’importance de la formation d’étoile obscurcie par la poussière n’a été mesurée que très récemment. Les galaxies très poussiéreuses ou galaxies infrarouges sont très peu nombreuses dans l’univers proche, de l’ordre du pourcent. À un redshift de 1, quand l’univers avait 9 milliards d’années, il y en avait dix fois plus. Le poids de ces galaxies devient si important dans la comptabilisation de la formation d’étoile qu’il domine l’ensemble des galaxies.

Evolution du taux de formation d’étoile mesuré par Le Floc’h et collaborateurs. La région  verte correspond à l’évolution du taux de formation d’étoiles dans l’univers entre maintenant et il y a 4,7 milliards d’années, à un redshift de 1. On voit que ce taux a été divisé par un facteur 10 entre alors et maintenant, passant d’environ 0.15 masses solaires par an et par mégaparsec cube à 0.015. Les régions jaunes et rouges correspondent aux variations de ce taux de formation d’étoile en fonction du redshift, dû aux galaxies lumineuses en infrarouge (en jaune) et aux galaxies extrêmement lumineuses dans l’infrarouge (en rouge). On voit qu’il y a 4,7 milliard d’années, la formation d’étoile dans l’univers est dominée par les galaxies lumineuses dans l’infrarouge, donc poussiéreuses. En effet, on lit sur cette courbe qu’elles sont responsable d’environ 0,1 masses solaires par an et par mégaparsec cube de formation d’étoile, soit les deux tiers de toute la formation d’étoiles à cette époque. Entre cette époque et de nos jours, la quantité de formation d’étoile qui se produit dans ce type de galaxie a chuté dramatiquement, d’au moins un facteur 50.
Crédit : Emeric Le Floc’h

La contribution des trous noirs

L’émission de la poussière, typiquement un corps noir chauffé à quelques dizaines de Kelvin, a son maximum dans l’infrarouge lointain, entre 60 et 200 microns selon la température de la poussière. Entre 10 et 30 microns, on mesure la queue de cette émission, et l’on procède à une grande extrapolation pour en déduire la luminosité totale de la poussière dans tout l’infrarouge. A ces longueurs d’onde, les télescopes sont aussi sensibles à une émission de poussière beaucoup plus chaude, de l’ordre de quelque centaines de Kelvin. Les phénomènes de formation d’étoile ne sont généralement pas suffisants pour que la poussière atteigne de telles températures. Par contre, il existe un phénomène beaucoup plus violent qui lui peut chauffer la poussière aussi fortement, et même plus : il s’agit du trou noir massif qui se trouve au centre de presque toutes les galaxies. Lorsqu’ils sont actifs, c’est à dire lorsqu’ils sont en train d’absorber de la matière, les environs de ces trous noirs sont le théâtre de phénomènes extrêmement violents, et la poussière qui se trouve à leur proximité est fortement chauffée, et émet alors dans l’infrarouge moyen. Comme ces galaxies sont très lointaines, on ne distingue pas si l’émission provient bien du centre de la galaxie uniquement. Et on n’avait donc pas jusqu’à présent de possibilité de séparer ces deux types d’émission sans ambiguité.

Image de galaxies infrarouges observées l’observation spatial Spitzer à 24 µm (l’infrarouge moyen). Les cercles bleus identifient les galaxies dans lesquelles un trou noir est également responsable de l’émission infrarouge.
Crédit : NASA – Chandra et Spitzer ; CEA – E. Daddi

Qu’allons-nous déduire avec Herschel ?

La situation va changer avec Herschel, puisque les astronomes observeront les galaxies dans l’infrarouge lointain et submillimétrique directement. Ils bénéficieront ainsi de deux avantages. L’émission de la poussière due à la formation d’étoile sera mesurée seule. En effet, la poussière aux environs des trous noirs massifs est si chaude qu’elle n’émet quasiment pas dans l’infrarouge lointain. Ensuite, on va pouvoir mesurer cette émission due à la formation stellaire directement à son maximum, et supprimer ainsi les erreurs d’extrapolation qu’on a pu faire auparavant. Enfin, Herschel réalisera cette mesure jusqu`à des temps plus reculés que ceux sondés jusqu’à présent. Herschel ira jusqu’à des redshifts de 4 ou 5.

Résultats

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    [20:15] Sacha Hony
  • Quelle est l’histoire de la formation des étoiles dans l’univers ?
    [20:18] Hervé Aussel
  • Chiffres clés :
    Notre galaxie, la Voie Lactée

    Population ≈ 100 Md d'étoiles
    Diamètre 100000 années lumières
    Masse 100 Md x
    la masse du soleil
    Age    Univers : 13,7 Md d'années
    1 année lumière=1016m

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