La formation stellaire
Comment fabrique-t-on des étoiles à partir du milieu interstellaire ? Avec quelle efficacité un nuage moléculaire produit-il des étoiles ? Quelles sont les grandes étapes de la gestations des étoiles ? Herschel aura pour ambition de répondre à ces grandes questions portant sur la formation stellaire.
Formation des étoiles massives [03'19]
Frédérique Motte, astrophysicienne au Laboratoire AIM (CEA/CNRS/Paris 7).
Les nuages moléculaires
Les grandes pouponnières d’étoiles sont ce que les astronomes appellent les nuages moléculaires. Ce sont des réservoirs de molécules : alcool, ammoniaque, vapeur d’eau, monoxyde de carbone et surtout de l’hydrogène. Ces nuages gisent entre les étoiles et font partie de ce qu’on nomme le milieu interstellaire. La densité y est très faible : 1000 molécules par cm3 (un dé à coudre), mais c’est déjà un univers très dense dans le milieu interstellaire qui contient 100 particules, ou atomes, par litre ! Sur Terre, on considère avoir réalisé le vide en laboratoire quand 1000 particules sont présentes par cm3. À partir de ce gaz raréfié sur des volumes gigantesques (~100 années-lumière de long), la nature crée des étoiles par milliers et plus étonnamment des populations entières d’étoiles. On nomme une population par le terme « amas stellaire » : une concentration locale d'étoiles d'origine commune dans un espace et liées entre elles par la gravitation. Un exemple connu est celui des Pléiades, un amas ouvert d’étoiles situées dans la constellation du Taureau.
Amas d'étoiles dans le milieu interstellaire et nouvelles étoiles mises à nu dans les nuages moléculaires. Les étoiles naissent dans les zones noires et opaques des nuages moléculaires. En haut à droite de l'image, de la lumière de nouvelles étoiles s'échappent des fragments rougeâtres et noirâtres du nuage.
Crédits : NASA & ESA
Les phases précoces ou la gestation des étoiles
La mutation d’un nuage moléculaire dans le milieu interstellaire en un amas d'étoiles se déroule en deux grandes phases qui restent encore très schématiques. La première est ce qu’on appelle la phase préstellaire, au cours de laquelle le nuage moléculaire « parent » se fragmente en morceaux. Ces fragments se condensent sous l’effet d’une poussée extérieure ou de manière spontanée. On ne sait pas encore. Une condensation vient ainsi de naître dans le nuage moléculaire : une condensation préstellaire. Les étoiles y naîtront un jour peut-être. Vient ensuite la phase protostellaire, pendant laquelle un embryon stellaire apparaît au sein de la condensation. Il grossit en dévorant une grande partie de la matière (gaz, poussière) de la condensation qui l'enveloppe. L’embryon stellaire se nourrit de son cocon. Finalement, lorsque l’embryon d’étoile a avalé une grande partie de son cocon, l’étoile se contracte, monte en température à l’intérieur jusqu'à amorcer les réactions nucléaires de fusion de l'hydrogène en hélium. Une étoile est née.
À GAUCHE : Simulation de la fragmentation d'un nuage moléculaire de 20 pc de côté en cocons de gaz. La fragmentation est provoquée par d'un flot de gaz qui a pénétré dans le nuage au repos.
À DROITE : Au sein de ces cocons se forment les étoiles. L'animation illustre comment les parties internes d'un cocon de gaz et de poussière vont s'effondrer puis donner naissance à disque de matière dans lequel des petits fragments de matière interagissent pour donner naissance à une ou plusieurs étoiles.
Crédits : CEA / Edouard Audit & Benoit Commerçon
Qu’allons-nous déduire avec Herschel ?
Herschel a pour ambition de répondre à plusieurs grandes questions. Comment sont générées les condensations préstellaires ? Avec quelle efficacité un nuage moléculaire produit-il des étoiles ? La formation des étoiles est-elle un processus isolé ou interactif ? Les conditions initiales à l’origine de la fabrication d’une étoile varient-elles en fonction de la masse stellaire à atteindre ? Pour y répondre, Herschel sondera les nuages moléculaires à la recherche des condensations glacées dans lesquelles naissent les étoiles, des naines brunes aux étoiles géantes. Ces astres, en devenir, émettent de l’énergie principalement dans le domaine infrarouge submillimétrique car ils sont très froids. Plus la condensation est froide, plus sa couleur, et donc son énergie, se décale vers l’infrarouge et l’infrarouge submillimétrique. Herschel mesurera, pour la première fois, la quantité d’énergie émise par ces fragments. C’est la luminosité qui s’exprime en Watts comme une puissance électrique. Les astronomes en déduiront les propriétés des condensations préstellaires comme leur température, leur densité et leur masse.
G327.3-0.3, une région où se forment des étoiles massives dans la Voie Lactée à 6000 années lumière de la Terre.
À GAUCHE : L’émission des grains de poussière du nuage moléculaire vu par le télescope spatial Spitzer dans l’infrarouge proche. Les étoiles naissent dans un nuage moléculaire où le gaz et la poussière décrivent des structures filamentaires. La zone la plus brillante est très chaude (100 à 1000°C). Les poussières sont chauffées par l’intense rayonnement UV des étoiles massives encore enfouies dans leur cocon de gaz. En dessous, on peut distinguer une zone plus sombre. Elle n’est pas vide, mais elle contient des poussières beaucoup plus froides (10 K ou -260°C). Cette poche est un réservoir de gaz froid, une condensation de gaz et de poussière, dans laquelle naîtront de nouvelles étoiles massives. Pour les détecter, il faut se décaler vers le submillimétrique, un domaine plus sensible aux basses températures et aux faibles énergies.
À DROITE : La même région observée dans le domaine submillimétrique à 450 µm, le domaine dans lequel les objets les plus froids sont détectés. Ce qui est sombre sur l’image infrarouge de Spitzer (à droite) devient brillant dans le submillimétrique. Les zones sombres sont bien des condensations opaques de gaz et de poussière.
Crédits : V. Minier SAp/CEA
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