02 avril 2012
Etude de l’eau deutérée dans une proto-étoile de type solaire
Origine des océans terrestres
La molécule d'eau deutérée (HDO) associe un atome de deutérium (D), un atome d'hydrogène (H) à un atome d'oxygène (O). Pour l'eau, c'est H2O. L’eau deutérée et son intérêt astrophysique
L’eau est l’une des molécules les plus abondantes du milieu interstellaire, le réservoir de gaz très froid à partir duquel les étoiles se fabriquent. L'eau y revêt différentes formes chimiques comme l’eau deutérée (HDO).
C'est une molécule particulièrement intéressante du milieu interstellaire. Elle est chimiquement équivalente à l’eau (H2O), mais l’un de ses atomes d’hydrogène est remplacé par un isotope lourd de l’hydrogène, le deutérium, dont le noyau contient un neutron en plus du proton déjà présent dans l’atome d’hydrogène.
Les astronomes, à partir d’observations du rayonnement infrarouge émis par l’eau et de l’eau deutérée, détermine l’abondance de ces deux molécules et par là-même le rapport d’abondances HDO/H2O, dans différents types d’objets astrophysiques dont les régions de formation stellaire.
Le rapport HDO/H2O est un outil d’autant plus intéressant puisque selon sa valeur il permet de contraindre les mécanismes de formation de l’eau. En effet, en raison d’une différence d’énergie de potentiel de point 0 entre l’eau et l’eau deutérée, le rapport HDO/H2O est élevé si l’eau se forme à basse température, tandis qu’il est faible si l’eau se forme à haute température. Il a été déterminé dans plusieurs types de comètes et en le comparant avec celui des océans terrestres, a permis de conclure que l’eau sur Terre avait probablement été apportée par les comètes lors de grands bombardements, permettant ainsi l’apparition de la Vie sur Terre.
Formation stellaire
Les comètes sont les témoins de la formation du système solaire, puisqu’elles se sont formées en même temps que le disque protoplanétaire à l’origine des planètes dont la Terre. Des considérations théoriques et des observations indiquent que le processus de fabrication d’une étoile de type solaire comprend au moins trois phases distinctes : la phase préstellaire (à gauche), la phase proto-stellaire (au milieu) et la phase pré-séquence principale (à droite). 1 ua (unité astronomique) = 150 millions de km. Entre le moment où un nuage de gaz s’effondre sous son propre poids pour former une étoile et la formation du disque protoplanétaire, plusieurs étapes se succèdent : - Au départ, la proto-étoile est enfouie sous une épaisse enveloppe de poussière. A ce stade, on qualifie la proto-étoile de Classe 0. - Petit à petit, l’enveloppe s’amenuise (Classe I). - Quand l’enveloppe a totalement disparu, on parle alors de Classe II et le disque protoplanétaire est visible. - Pour finir, les planètes se forment dans le disque qui se désépaissit (Classe III). Pour bien comprendre l’évolution de l’eau depuis l’effondrement gravitationnel jusqu’à la formation des comètes, il est donc important de déterminer le rapport HDO/H2O à différentes étapes de la formation stellaire. L’eau deutérée dans la proto-étoile de type solaire IRAS 16293-2422
Dans le cadre du programme CHESS (Chemical HErschel Surveys of Star-forming regions), le rayonnement émis par les molécules de HDO, H2O et H218O (isotope de l’eau avec un oxygène plus lourd) ont pu être observées à de nombreuses fréquences avec l’instrument HIFI de l’Observatoire Spatial Herschel en direction d’une proto-étoile de Classe 0 IRAS 16293-2422. Un rayonnement à une fréquence donnée correspond à une transition d'une molécule d'un niveau d'énergie à un niveau plus haut ou plus bas en énergie. D’autres transitions de HDO ont été détectées avec des radiotélescopes au sol. C’est la première fois qu’autant de transitions d’eau deutérée (à savoir 13) sont détectées vers une même source. La modélisation des observations d’eau deutérée a permis de mettre en évidence pour la première fois la présence d’une couche d’absorption riche en eau en avant-plan, probablement créée par la photo-désorption des molécules d’eau collées à la surface des grains de poussière.
Les rapports d’abondance HDO/H2O ont alors pu être déterminés, en utilisant des modèles de transfert radiatif, dans différentes régions de la proto-étoile : le cœur chaud, l’enveloppe externe plus froide et cette couche d’absorption.
Dans cette proto-étoile, les rapports d’abondance HDO/H2O sont d’environ 3-4% alors que dans les océans terrestres, il est d’environ 0.015%. Cela pourrait laisser penser que des mécanismes seraient à l’œuvre pour modifier ce rapport isotopique entre le stade de Classe 0 et la formation des comètes. Cependant, la statistique n’est pas assez grande pour pouvoir conclure. En effet, il est nécessaire de déterminer ce rapport dans un plus grand échantillon de proto-étoiles pour savoir s’il y a une variation ou pas de ce rapport d’une proto-étoile à l’autre. Des conditions et un environnement différents durant la formation stellaire pourraient peut-être jouer un rôle. De nouvelles observations d’eau deutérée obtenues avec le spectromètre HIFI dans d’autres proto-étoiles pourront sûrement bientôt apporter quelques réponses à ces questions.
Le fait que les rapports d’abondance HDO/H2O soient similaires dans la couche d’absorption et dans le cœur chaud est particulièrement intéressant puisque ces deux régions présentent des caractéristiques différentes. Le cœur chaud présente des densités élevées contrairement à la couche d’absorption. Ce comportement n’est pas vu pour d’autres molécules comme le formaldéhyde (H2CO) et le méthanol (CH3OH) pour lesquels leur rapport D/H est corrélé avec la densité. Cela apporte un argument supplémentaire au fait que l’eau se formerait bien plus tôt que ces deux autres molécules. La formation de l’eau aurait lieu dans le nuage moléculaire avant l’effondrement du nuage de gaz, contrairement au méthanol et au formaldéhyde qui ne se formeraient qu’après l’effondrement gravitationnel.
Cette étude de l’eau deutérée combinée avec une autre étude sur l’eau lourde (D2O) dans la même source a aussi permis de déterminer pour la première fois le rapport D2O/HDO dans une proto-étoile de Classe 0. Il est d’environ 6% dans la partie froide de l’enveloppe (T < 30 K ou -240°C) et la couche d’absorption. Cette valeur est très utile pour contraindre les modèles de chimie qui ont pour but de comprendre comment se met en place la complexité moléculaire observable dans les régions de formation stellaire et à l’origine de la Vie sur Terre. En savoir plus : - L’article référence publié dans Astronomy & Astrophysics : A. Coutens, C. Vastel, E. Caux et al. 2012, A&A 539, 132 ‘‘A study of deuterated water in the low-mass protostar IRAS16293-2422 ’’, DOI 10.1051/0004-6361/201117627 - http://www.herschel.fr/fr/herschel/actualites.php?id_news=144
Contacts chercheurs: Audrey Coutens – IRAP Toulouse - ; Tel : 05 61 55 66 95 Charlotte Vastel – IRAP Toulouse - ; Tel : 05 61 55 75 44
#59 - Màj : 02/04/2012
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